Les Archives

 

La salle la plus importante et caractéristique du bâtiment est le grand salon, à l’aspect solennel, où les archives du Grand Prieuré ont été conservées jusqu’en 2014.

Il s’agit d’un ensemble de documents de grand intérêt, dont le plus ancien remonte à 1220.

Ranuccio Farnese, neveu du pape Paul III, grand prieur de Venise en 1540 puis cardinal, fit dresser une liste des archives en 1549. Fra’ Guglielmo Balbiano da Chieri, Grand Prieur, ordonna en 1681 la compilation d’un nouvel index en deux volumes. En 1703, le Grand Prieur Fra’ Roberto Solari, d’Asti, ordonna un nouvel arrangement des archives: après avoir éliminé les actes jugés superflus,  les documents furent rangés par ordre de Commanderie.

Des nouveaux réaménagements furent commandés en 1757 par le Grand Prieur Fra’ Antonio Dal Pezzo, de Salerne, et plus tard par le Grand Prieur Fra’ Francesco Maria Boccadiferro, qui confia cette tâche à Filippo Vannucchi en 1786.

Quand, en 1806, le Grand Prieuré fut supprimé, une partie des documents fut transférée aux Archives d’État au Frari, une partie fu retirée par le receveur Fra’ Fulvio Alfonso Rangone et par son secrétaire Antonio Rota Merendis.

Le Rangone, décédé en 1843, nomma comme héritier Filippo Duodo qui obtint également les papiers des archives et les confia au chevalier Taddeo Scarella, qui représentait le Grand Prieur Cappellari della Colomba. Le Chevalier Scarella par ailleurs légua au Grand Prieuré certains immeubles, constituant une fondation qui existe encore aujourd’hui, dont les revenus sont destinés à subvenir aux frais de culte de l’église.

Les documents conservés par Rota Merendis passèrent, à sa mort, à son frère Giovanni Maria qui les confia en dépôt à l’aumônier Monseigneur Pianton, exigeant en récompense d’être reçu dans l’Ordre de Malte en tant que Donat.

Autours de 1850 aussi les papiers du Grand Prieuré de Lombardie, qui étaient conservés auprès de la Recette de l’Ordre à Milan (ceux de la Recette de Turin se trouvent aux Archives d’Etat de cette ville) furent rendus aux archives du Grand Prieuré de Venise.

En effet les archives de la Recette de Milan ont été conservées par le chancelier de ce grand prieuré, le Dr Antonio Castiglioni, jusqu’en 1831, l’année de sa mort; sa veuve, Costanza Lavagna, les offrit au lieutenant du Grand Maître Fra’ Antonio Busca, qui résidait à Ferrare. Mais rien n’a été fait, et en 1836 les documents furent retirés par le représentant de l’Ordre à Milan Bailli Fra’ Cristoforo Ferretti.

Un premier inventaire sommaire de tous ces documents fu fait, sur ordre du Grand Prieur Cappellari della Colomba, par le Donat Carlo Botti. Mais c’est le Grand Prieur Fra’ Guido Sommi Picenardi qui eut le mérite d’avoir donné, entre 1884 et 1886, une disposition rationnelle aux archives.

Le Grand Prieur obtint plus tard, par des démarches patientes et tenaces, en 1896 la restitution par les Archives d’État des Frari d’un premier groupe de documents, et en 1903 de tout le reste, afin que les archives anciennes du Grand Prieuré de Venise puissent être réunies à nouveau au Palais de Malte.

Il s’agit peut-être du seul des archives des Prieurés existant avant la dévastation de l’époque napoléonienne qui a été conservé et est encore en possession d’un organisme de l’Ordre.

Il est riche en documents importants et intéressants, mais malheureusement presque inexploré, du moins dans sa partie la plus ancienne. Les Archives du Grand Prieuré sont divisées en trente-cinq classes. Le document le plus ancien remonte à 1220: il s’agit d’une bulle du pape Honorius III qui accorde des privilèges à l’Ordre envers les évêques Français; d’autres nombreuses bulles papales anciennes y sont conservées, dont une de Léon X ratifiant un arbitrage pour régler une question qui se posait entre le prieuré de Venise et l’école dalmate voisine des saints Georges et Tryphon.

Il est intéressant de noter que la correspondance relative à un incident diplomatique entre l’Ordre et la République de Venise dans les années qui ont suivi 1670, provient du fait que les navires de l’Ordre naviguant en vue de Cythère, une île au sud de la Crète, possession vénitienne, ayant vu des animaux de pâturage sur la plage, débarqué et après avoir désarmé certains gardes en ont pris possession, probablement pour enrichir un peu les rations non somptueuses à bord. Le légat de l’Ordre à Venise a été appelé à comparaître devant le Doge et le Collège pour entendre les plaintes, qui ont été transmises à Malte qui a répondu en se déclarant inconscient du fait. Le différend dura longtemps, une commission d’enquête mixte fut nommée, composée d’amiraux; mais à la fin, tout a été lissé, avec des déclarations mutuelles de cordialité.

Très intéressant est le cérémonial qui régissait les audiences du légat de l’Ordre dans le palais des Doges; il y allait avec une procession de gondoles, il s’assit dans la première, gala, dorée; d’autres ont suivi avec ce qui suit, la « negrorîa » et les gondoles communes. Une autre cérémonie prévoyait les formalités d’échange de visites entre le légat de l’Ordre et les autres représentants diplomatiques accrédités auprès de la Sérénissime.

Un rapport décrit la présentation des lettres de créance du représentant de l’ordre en France auprès du roi Louis XIV, avec le rapport détaillé de la réception solennelle à Versailles. Le cours intitulé « hospitalité » contient des documents concernant l’ancien hôpital johannique de Santa Caterina à Venise, et des hôpitaux similaires à Milan, Rome, Naples et Jérusalem, et l’hôtel de la Lingua d’Italia à Malte. Le contenu de la classe « Armements, Escouade, Commerce, Corsaires, Proies et Esclaves » est d’un grand intérêt.

De 1282 remonte à la série de papiers relatifs aux Donats, ornés de la croix octogonale sans le bras supérieur. À la fin du siècle dernier, environ 700 procès généalogiques et héraldiques liés aux chevaliers reçus dans l’Ordre ont été calculés, avec des preuves de noblesse de 2800 familles. Au cours des dernières décennies, les Archives ont été enrichies par des copies de nombreux procès, dont l’original a été transmis à Rome.